Liège-Bastogne-Liège : une histoire complètement folle !

Dimanche 26 Avril 2015

Pour cette dernière, je vous propose un résumé différent des précédents en vous faisant revivre le fil de ma journée...

7h20 : Je prends le départ sous la pluie. Les prévisions pour les heures qui suivent sont encore plus mauvaises. La journée s'annonce longue. Plus que 10h d'effort pour relever mon défi !

Un temps automnal
La campagne ardennaise
Des groupes se forment

13h57 : Les premières heures se passent très bien. Craignant de payer les 1030km accumulés au cours des 8 derniers jours, je suis parti très "tranquillement" et attends les 50 derniers kilomètres pour me lâcher. Ma moyenne est malgré tout plutôt bonne puisque je suis au dessus des 28km/h, en ayant roulé seul quasiment toute la journée. Je suis sans doute dans une bien meilleure forme que je ne le pense car je double un paquet de participants dans les bosses, sans jamais forcer. Dans le Stockeu (première côte chronométrée au KM180), je réalise le 101ème temps, en montant pourtant largement en dessous de mes capacités. C'est l'un des très bons enseignements de cette semaine : j'ai un bon coup de pédale quand la route s'élève !

Je reste parfois sagement "au chaud"
Beaucoup de participants pour cette dernière Classique

15h50 : J'arrive au pied de la côte de la Redoute (KM226) que j'avais reconnu deux jours auparavant. Cinquante mètres avant le dernier virage à droite qui marque le début de la montée, je passe sur le petit plateau. La chaîne déraille. Je tente de basculer de nouveau sur le grand plateau pour remettre la chaîne en pédalant. La patte de mon dérailleur (la fixation) se brise, le dérailleur s'emmêle dans la roue. Fin de l'aventure. Je balance mon vélo de rage contre le talus.

15h54 : Je contacte l'assistance pour savoir s'ils peuvent me prêter un vélo pour finir. Rire gêné de l'opératrice qui m'annonce qu'une voiture balai passera me récupérer dans une heure pour me rapatrier avec mon vélo à l'arrivée. Je vis un véritable cauchemar. L'aventure s'arrête à 47km de la ligne d'arrivée de la 10ème et dernière Classique de mon défi. Je ne peux pas croire ce qui m'arrive. Je fonds en larmes.

16h10 : Je me souviens d'un reportage invraisemblable que j'ai vu sur la vie d'Eugène Christophe, un cycliste français qui avait du réparer la fourche cassée de son vélo sur le Tour de France 1913. Après s'être fait renversé par une voiture, cet homme plein de bravoure avait marché 10km à travers la montagne avant de trouver une forge où il avait pu, seul (règlement oblige), effectuer la réparation ! Sans aller jusque là, je me dis qu'il y a peut-être un vélociste pas loin capable de réparer mon vélo ou de m'en louer un pour finir !

16h15 : Je croise trois jeunes belges qui mangent une glace en regardant passer les coureurs. L'un d'eux m'indique qu'un magasin de vélo est situé à 3km, dans la ville voisine d'Aywaille. Ne captant pas la 3G dans ce coin paumé, je récupère le numéro de téléphone auprès de la boulangère (!) et l'appelle pour lui expliquer mon problème. S'il a bien un dérailleur comme le mien en stock, il ne peut me dire par téléphone s'il pourra effectuer une telle réparation et me propose de passer à son atelier. J'arrête plusieurs voitures pour demander si quelqu'un peu m'y emmener avec mon vélo, mais tous refusent poliment. Avec ma tête toute crasseuse et mon vélo plein de cambouis, je les comprends... N'ayant pas d'autre solution, me voilà parti en courant (avec mes chaussures de vélo) en direction d'Aywaille, mon vélo sur un bras, tendant l'autre pour faire du stop. Au bout d'un kilomètre, un homme klaxonne et s'arrête à ma hauteur, intrigué par ce qu'il est en train de voir. Je lui explique mon problème et sans hésiter, il me propose de monter pour finir en voiture. Un geste devenu rare.

16h40 : J'arrive dans la boutique de Philippe Matagne à Aywaille : les Cycles Matagne. Le temps semble s'être arrêté dans son atelier de réparation. Il règne une atmosphère incroyable. J'ai l'impression d'être revenu dans le garage de mon grand-père qui entassait des milliers d'outils dans un bordel très organisé. S'il y a un endroit au monde où j'ai une chance de réparer mon vélo en moins de deux heures (la nuit tombant à 20h40), c'est ici !

17h00 : Après avoir chercher en vain une patte de dérailleur compatible avec mon vélo dans ses tiroirs, il pense avoir trouver une solution avec une patte "adaptable". Ce ne sera qu'une réparation temporaire mais elle me permettra d'aller au bout me promet-il. Avant d'effectuer la réparation, il veut s'assurer que je pourrai le régler. Je n'ai que dix euros sur moi et ai laissé ma CB dans mon portefeuille au départ. Ne parvenant pas à créer de nouveau destinataire pour un virement sur le site de ma banque, il accepte que je le règle par Paypal. Il commence la réparation, l'espoir renaît.

Dans l'atelier de Philippe Matagne

18h : Les clients défilent dans sa boutique. Un couple essaye un vélo électrique, une vente à 1850 euros qu'il ne peut évidemment rater. Il n'arrête pas de courir entre la boutique et l'atelier. Je trépigne d'impatience.

18h15 : Il a changé la chaine, le dérailleur, et retravaillé la roue endommagée également. Il s'assure que tout est réglé parfaitement avant de me rendre mon vélo. C'est un passionné et un très grand professionnel comme il n'en existe quasiment plus dans ce métier. Mon vélo est prêt. Je ne suis pas prêt d'oublier ce qu'il fait pour moi. Je lui serre la main et repars en direction de la côte de la Redoute. Il me reste moins de deux heures pour finir, la ligne d'arrivée fermant à 20h.

La côte de la Redoute est quasi déserte quand j'y arrive
Dans la Redoute

19h : Les participants que je dépasse sont pour la plupart en grande difficulté. Certains montent les côtes à pieds. Ils sont les derniers et auront du mal à finir avant la tombée de la nuit. Quant à moi, l'arrêt de 2h30 m'a complètement coupé les jambes mais ma motivation est décuplée.

La Redoute
Je retrouve le sourire

19h40 : Je roule tête baissée vers l'arrivée. Je sais maintenant que je vais finir dans les délais. J'appelle Maud, qui a passé la journée seule à Liège, pour qu'elle aille m'attendre à l'arrivée. Les émotions se bousculent dans ma tête. Je repense à tous ces mois d'entrainement pour en arriver là, ces 8 semaines où j'ai enchainé 10 Classiques et bien sûr à cette folle journée. J'ai du mal à retenir mes larmes.

19h50 : Je franchis la ligne d'arrivée. J'ai réussi mon défi d'enchainer toutes les Classiques en une seule année ! Maud est aussi émue que moi, les nerfs lâchent...

Cette journée marque la fin d'une aventure exceptionnelle pour moi. J'espère que vous aurez eu autant de plaisir à me lire que j'en ai pris sur mon vélo. Ces 8 semaines resteront à jamais graver dans ma mémoire.

1 commentaire

Franck - Lundi 25 Avril 2016 à 15:25

Bravo Aurélien ! Toujours un plaisir de lire tes compte-rendus qui transpirent la passion et le dépassement de soi, avec beaucoup d'humilité je trouve. Félicitations pour cette semaine de fou.

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