Transjurassienne : une annulation qui pose question

Jeudi 03 Mars 2016

Deux semaines après l'annulation de la Transjurassienne, de nombreuses questions restent en suspens. Si la météo n'a pas été favorable cette année, les responsabilités ne peuvent se limiter au manque de neige ou à la pluie. Nul doute que des solutions auraient pu/dû être trouvées. Espérons maintenant que tous les partis (organisateurs, élus locaux, associations écologistes, services de l'État) arrivent à se mettre rapidement autour d'une table pour éviter de revivre un tel fiasco dans les années à venir. La survie de la Transju en dépend !
Chez les "participants" que j'ai croisé sur les pistes au cours de mon séjour, c'était souvent l'incompréhension qui régnait. Pourquoi l'épreuve a t-elle été annulée alors que de nombreuses pistes étaient ouvertes durant le week-end ? Pourquoi ne sommes-nous pas remboursés intégralement ? Pourquoi se réinscrire l'an prochain si les risques d'annulation sont si importants ? Le Président de Trans'Organisation, Hervé Balland, a accepté de répondre à mes questions, sans concession.

Au vue des conditions de neige plutôt correctes le samedi et le dimanche, regrettez-vous a posteriori d'avoir annulé la Transjurassienne 2016 ?
Non, absolument aucun regret. Cette décision est collégiale. On ne joue pas avec une météo aussi imprécise que celle que nous avons eu pendant tout l'hiver. La Transjurassienne ne s'improvise pas.

Pourquoi ne pas avoir annulé une partie seulement des épreuves pour limiter la casse, en ne gardant par exemple que les deux distances "reines" (50km classique et 68km skating) ?
Lorsque nous décidons d'annuler la course le mercredi pour le dimanche avec une météo aussi fragile et un parcours inondé, nous ne pouvons pas nous poser cette question. Nous ne pouvions faire qu'une boucle de 25 ou 30 km. Ou alors aller dans le Massacre pour un 50 km sur une piste balisée et commerciale, mais non autorisée pour la course car traversant une zone sensible protégée par un Arrêté préfectoral de protection de biotope (APPB). Une Transjurassienne au rabais n'amène rien à l'épreuve, si ce n'est que des mécontents. Nous l’avons bien vu en 2011.

À l'avenir, ne faudrait-il pas répartir les épreuves sur plusieurs week-ends pour réduire le flux ?
C’est une suggestion, mais c’est très difficile à mettre en place car nous devons composer avec les vacances scolaires et les capacités d’hébergement, mais aussi avec les calendriers Wordloppet, nationaux, régionaux… Nous ne sommes pas seuls au monde.

Ou proposer des parcours différents ? Un système en étoile par exemple, avec trois tracés différents le dimanche selon les distances, permettrait de limiter le nombre de skieurs sur une même piste.
Sur le papier et avec un peu d'imagination, tout est possible. Mais ça ne colle pas toujours avec la réalité du terrain. Nous fonctionnons déjà avec une arrivée commune et des lieux de départ différents, et c'est déjà très compliqué à gérer. Le système en étoile serait encore plus compliqué à mettre en oeuvre en termes de logistique et sécurité, avec un coût qui exploserait... Après, tout est réalisable avec beaucoup de moyens humains et financiers ! Il existe actuellement plusieurs parcours différents suivant l'enneigement, mais nous sommes très limités dans notre choix et chaque parcours est sujet à des demandes d'autorisation extrêmement lourdes et compliquées. Nous avons déjà modifié le format des courses en 2014. Nous sommes très attentifs aux réflexions des participants et à l'évolution du ski nordique, mais nous sommes vigilants à ne pas nous éloigner de notre ADN : la Transjurassienne, c’est la traversée de notre massif avec un départ dans le Jura et une arrivée dans le Doubs. Cela date de 1979, il serait hasardeux de remettre cet héritage en question.

N'était-ce pas une mauvaise idée de vouloir réduire la distance il y a quelques années (de 76km à 68km) pour rendre l'épreuve plus accessible ?
Non, pas du tout, au contraire. Nous avons voulu apporter un plus à nos épreuves. Il ne faut pas raisonner uniquement élite, nous devons être aussi très sensible à la masse. Un nombre très important de skieurs nous ont remercié d'avoir réduit l'épreuve phare. Nous avons d’ailleurs accueilli 4800 coureurs en 2015, un record. Pourquoi limiter ? Nous cherchons au contraire à augmenter la participation.

Fin janvier, la Marcialonga, en Italie, s'est déroulée sur une piste enneigée artificiellement du premier au dernier kilomètre (70km). Pourquoi n'était-ce pas possible pour vous ?
Nous avons un parcours linéaire passant dans différents villages et traversant des zones sensibles. Ca ne se passe pas autour d'un stade de foot. Il est très difficile d'apporter de la neige de culture sur certaines parties de la piste et nous ne souhaitons pas rentrer dans ce fonctionnement.
La Marcialonga, elle, fonctionne sur une boucle autour d'une rivière, avec des carrières à neige sur le long du parcours pouvant servir aussi pour les pistes alpines.
Nous, nous devons utiliser la neige naturelle sur nos massifs enneigés (quand ils le sont, évidemment, on le voit bien cette année…). Nous avons en France une réglementation environnementale et nous devons la respecter. Nous pouvons utiliser la neige artificielle uniquement sur certaines portions du parcours, mais nous ne devons pas tomber dans l'excès.
En revanche, quand on voit certaines photos des méthodes d’enneigement de la Marcialonga, je me demande bien où se trouve une éventuelle réglementation environnementale européenne commune pour tous…

Quelles sont les conséquences économiques pour Trans'Organisation ? (frais engagés, répartition des pertes, prise en charge des assurances, remboursement inscription, sponsors, subventions, etc.)
Nous ne pouvons pas parler de chiffres pour l'instant. Les remboursements des coureurs sont en cours, tout comme l’enquête de notre assureur.

Une fois l'enquête terminée, en publierez-vous les conclusions ?
Nous sommes une association Loi 1901 et fonctionnons en toute transparence. Un commissaire aux comptes contrôle notre association tous les ans. Nous avons une Assemblée Générale une fois par an fin juin, et nous publions les bilans à ce moment-là.

Pourquoi ne pas donner la possibilité aux participants de souscrire une assurance qui couvrirait les risques d'annulation ?
Ce point fait partie de ceux qui seront débattus dans les semaines à venir.

Un tarif préférentiel sera t-il mis en place pour les inscrits de cette année en 2017 ?
Ce point fait aussi partie de ceux qui seront débattus dans les semaines à venir, mais nous n'avons pas augmenté depuis deux ans le prix des inscriptions.

16 commentaires

Thibault - Jeudi 03 Mars 2016 à 20:18

Merci Aurélien d'avoir bien voulu faire suivre mes questions. Très intéressant.

Aurélien - Jeudi 03 Mars 2016 à 20:26

Je t'en prie. Je trouve aussi très intéressantes les explications d'Hervé Balland. On a tout lu et tout entendu sur les causes de l'annulation, mais en acceptant de répondre à mes/vos questions, il lève de nombreuses interrogations. C'est tout à son honneur de l'avoir fait car je reconnais qu'on pourrait trouver le ton inquisiteur.

Marine - Jeudi 03 Mars 2016 à 20:30

Cash mais ultra instructif ! Bravo Aurel

Bastien - Jeudi 03 Mars 2016 à 20:37

Super article Aurélien qui pour une fois propose de vraies solutions. L'idée des parcours en étoile est top, celle de proposer une assurance annulation aussi. Well done !

Marie - Jeudi 03 Mars 2016 à 20:44

Tout est dit, bien joué. Pour une fois qu'on ne parle pas du grand tétras, ça change... Au moins, tu essayes de faire avancer le schmilblick...

Ted - Jeudi 03 Mars 2016 à 20:48

Je viens de découvrir ton blog par hasard via Twitter. Belle initiative et c'est très honnête de la part de monsieur Balland d'avoir répondu. J'espère qu'ils garderont quelques unes de tes propositions!

Thibault - Jeudi 03 Mars 2016 à 21:03

Je ne suis pas d'accord avec lui quand il dit qu'une Transju au rabais n'amène que des mécontents ! Ceux qui étaient inscrits sur le 25K par exemple auraient été très contents de pouvoir faire LEUR course. Et moi, bien qu'inscrit sur le 68K, ça ne m'aurait posé aucun pbm de voir qqs chanceux prendre leur pied. La politique du tout ou rien, c'est justement ça qui fait que nous sommes tous déçus !!!

Richard - Jeudi 03 Mars 2016 à 21:06

Good job! Would you like me to translate that for you?

YaYa - Jeudi 03 Mars 2016 à 21:12

Intéressant ok mais je suis pas rassuré par ses réponses. J'ai vu qu'ils allaient bientôt ouvrir les inscriptions pour 2017 mais franchement je ne suis pas sûr que nous rempilerons. Ton article confirme que bcp de pistes n'ont pas été exploitées et que le pire aurait pu être évité. Ou du moins que la casse aurait pu être limitée. Nous on a perdu une grosse somme d'argent entre les frais d'inscription non remboursés l'acompte pour l'hôtel et les billets de train. Il va falloir qu'ils trouvent de bons arguments pour regagner notre confiance.

Arnaud - Jeudi 03 Mars 2016 à 21:17

Postule chez Nordic Mag mec ! Super interview !!!

Guix - Jeudi 03 Mars 2016 à 21:27

Plutôt que de s'écharper avec des écolos mal dans leur peau, qu'ils reprennent tes idées d'étalement sur plusieurs weekends, de parcours en étoile (!!) ou de remettre la distance comme elle l'a tjs été. Ils ont joué avec le feu en permettant à tout le monde de se prendre pour un finisher. Sérieux, est-ce qu'on organise le même jour le 10KM, le 20KM, le semi et le marathon de Paris ?!? Et pourtant on use pas le bitume comme une piste de ski.....

Jurassien en colère ! - Jeudi 03 Mars 2016 à 21:54

De belles paroles maintenant on attend les actes. Merci Aurélien car pour nous cette annulation est une vraie catastrophe.

Phil25 - Vendredi 04 Mars 2016 à 00:11

Quand je lis que le but des organisateurs est d'augmenter le nombre de participants, je me dis que l'épreuve est vraiment menacée dans les années à venir. Ils n'ont rien compris. Pourquoi pas 5000, 6000 voire 10000 skieurs sur les pistes alors ? Pour n'importe quelle course, il y a des quotas, sauf chez nous.

Adrien - Vendredi 04 Mars 2016 à 08:16

Tu as raison d'être incisif dans tes questions. Moi, je l'ai mauvaise de me faire rembourser une misère. Je ne sais pas s'ils liront nos commentaires, mais j'aurais bien aimé savoir si dans ses calculs, l'assurance considère qu'il faut payer les salariés de l'assoc' toute l'année avec les inscriptions des fondeurs alors qu'ils consacrent une partie de leur temps à leur trail d'été ? Je ne trouverais pas ça normal même si ça n'aurait pas changé grand chose pour nous.

Jeremy - Vendredi 04 Mars 2016 à 11:02

Attention de ne pas tomber dans le yakafaucon tout de même ! Les contraintes administratives pour organiser une épreuve de cette envergure doivent être énormes. Je suis d'accord avec toi que cette annulation doit inciter les organisateurs à revoir leur stratégie globale, à long terme, mais il ne faut pas croire qu'on peut régler tout ça d'un claquement de doigt. À l'année prochaine j'espère !!

Aurélien - Vendredi 04 Mars 2016 à 11:09

Tu as tout à fait raison Jeremy. Le but n'est pas de donner des leçons ou de pointer du doigt les failles de l'organisation mais de trouver des solutions fiables pour l'avenir. Et sur ce point, je trouve qu'ils ont manqué d'imagination.

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